11 700 livres : une dotation d’ampleur pour redynamiser le réseau de Lecture publique de Mayotte.
Située à Mamoudzou, la Bibliothèque Départementale de Prêt (BDP) a vu le jour en 1999, avec pour mission de développer le réseau de Lecture publique à Mayotte. A cette fin, elle s’est dotée de 18 annexes, réparties sur l’ensemble du territoire. Dites aussi « bibliothèques de brousse », elles accueillent essentiellement un public jeune pour qui elles sont l’unique lieu de rencontre avec des livres, inaccessibles à l’achat en raison de leurs coûts exorbitants et du très faible niveau de vie de la population.
Il y a un an, Biblionef a été alertée par la BDP quant aux graves difficultés budgétaires qui entravaient ses missions depuis 2008. Elle avait vu ses collections s’amoindrir et vieillir à tel point qu’il lui était devenu impossible d’alimenter les bibliothèques de son réseau. De moins en moins attractives, leurs publics se détournaient d’elles.
C’est ainsi qu’en mai dernier, après être parvenus à mobiliser divers partenaires autour du projet, nous avons expédié 11 700 livres, sélectionnés avec soin, qui ont été reçus comme autant de trésors.
Quelques semaines auparavant, le conseiller départemental chargé de la culture et le directeur de la BDP avaient annoncé l’arrivée imminente de la cargaison, lors de la cérémonie officielle de réouverture des salles jeunesse, spécialement rénovées pour l’occasion.
Désormais, l’heure est au catalogage et à l’équipement des 11 700 livres, un long travail qui ne prendra fin que début décembre : « Plus trop le temps de s’étendre… on a du manioc sur la planche ! » nous écrit-on depuis Mayotte.
Les rayonnages de la bibliothèque de Cavani, attenante aux salles de catalogage de la BDP, ont d’ores et déjà commencé à être garnis et certains livres, installés sur des podiums, font l’objet d’une mise en valeur particulière : « les jeunes sont très contents de pouvoir tenir, sentir, toucher et avoir le privilège d’être les premiers à utiliser ces livres neufs. » nous écrit-on encore.
Dans le cadre du “Jardin des histoires”, les bibliothécaires préposés à la lecture du samedi matin, en profitent même pour présenter aux enfants les nouveautés, et notamment les livres animés qui ne sont pas soumis au prêt, car trop fragiles.
A Cavani, ces ouvrages arrivent à point pour la deuxième édition de la grande fête nationale du livre jeunesse “Partir en livre”, organisée du 19 au 30 juillet. Au programme : ateliers d’écriture et de création, animations multimedia, lectures animées, chasse aux trésors sur le thème du fantastique, exposition sur les monstres, projections de films d’animation et de lectures animées autour des ouvrages de Michel Osla (Kirikou et le monstre bleu, Kirikou et les bêtes sauvages, Azur et Asmar…)… Plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents sont attendus !
Les perspectives qu’offre cette dotation sont inespérées. A Cavani encore, on se prend à rêver de l’ouverture d’une ludothèque : “L’idée de créer une petite ludothèque taraudait l’équipe depuis quelques années. Faute de budget, elle n’a jamais pu être concrétisée. En ouvrant les cartons et en découvrant tant de livres et de jeux, le concept se réveille à nouveau et la ludothèque pourra enfin voir le jour” nous confie-t-on.
Au fur et à mesure que les livres sont traités et que le magasin de la BDP se remplit, des lots sont constitués pour les bibliothèques du réseau et des valises pédagogiques autour de thèmes très précis (la différence, le droit des enfants, l’illettrisme…) sont préparées à leur intention ainsi qu’à destination des documentalistes, éducateurs et animateurs officiant dans des structures partenaires. En lien avec le service de la Protection Maternelle et Infantile, des mallettes sont également remises aux agents pour que soient proposées des animations et des lectures aux enfants et aux parents qui attendent souvent plusieurs heures dans des salles d’attente toujours bondées…
Cette dotation, qu’il conviendra d’augmenter, est une opportunité inestimable pour la BDP d’attirer à nouveau le public en lui permettant d’accéder à des ouvrages aussi utiles qu’attrayants et en lui donnant la possibilité de s’instruire, de rêver, et de parfaire son niveau de français grâce à une littérature de qualité.
Rappelons que Mayotte affiche un taux d’illettrisme record de 33%. 44% des 16-24 ans n’ont jamais été scolarisés et ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul. La situation sociale et l’illettrisme des parents y sont pour beaucoup, de même que la langue parlée durant l’enfance qui est le shimahorais et le shibushi. Parce que l’enseignement se fait en français, les enfants rencontrent de graves difficultés à l’école. Les infrastructures de base, notamment éducatives, sont insuffisantes et les bibliothèques scolaires, inexistantes. Les jeunes, qui n’ont que peu de divertissement, peuvent vite sombrer dans l’ennui, voire la petite délinquance. Il revient donc aux bibliothèques de pallier ce manque cruel d’occupation et de leur offrir l’occasion de s’épanouir et de s’instruire par la lecture mais aussi d’améliorer leur maîtrise de la langue française.
Un enjeu crucial car Mayotte, dernier né de nos 101 départements, doit absolument s’intégrer à la République française.