9 600 livres neufs et choisis sont arrivés au mois de mai 2021 à Ouagadougou. Ils sont destinés à quatre établissements des Frères des Écoles chrétiennes du Burkina Faso – pays où le taux d’alphabétisation figure parmi les plus faibles au monde. En effet, près de 60 % de la population est analphabète, et malgré quelques progrès ces dernières années, ce taux atteint encore plus de 40 % chez les jeunes de 15 à 24 ans.

Le contexte sécuritaire

Si le taux de scolarisation en primaire a connu une évolution positive ces dernières années, la situation générale de l’éducation reste marquée par d’importantes disparités géographiques et elle est de plus en plus menacée par la dégradation du contexte sécuritaire. En effet, depuis 2015, le Burkina Faso fait face à une multiplication des attaques terroristes. Ce pays, jadis réputé tranquille, est victime des conflits persistants au Sahel depuis 2012. Depuis le début de l’année 2019, la violence et le conflit ont poussé plus d’un million de personnes à quitter leur foyer, laissant tout derrière eux. Selon l’ONU, il s’agit de la crise de déplacement qui connaît la croissance la plus rapide au monde.

Tout récemment encore, dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, le nord du pays a été frappé par deux attaques en quelques heures, dont l’une a fait au moins 160 morts dont une vingtaine d’enfants, la plus meurtrière dans ce pays depuis le début de l’insurrection en 2015. 7 000 personnes auraient fui leurs foyers. Parmi les familles contraintes d’abandonner leurs villages, il y a bien sûr de nombreux élèves. Le secteur de l’éducation burkinabé est durement touché par la crise sécuritaire dans le pays.

Par ailleurs, les attaques répétées contre des écoles démontrent le refus d’une éducation accessible à tous. Ce ciblage récurrent a conduit à la fermeture de plus de 2 000 écoles dans le pays et près de 9 000 enseignants sont en arrêt de travail forcé, selon les chiffres du Bureau de la coordination des affaires humanitaires. Quand elles ne ferment pas, les écoles sont abandonnées par les élèves et les enseignants qui craignent pour leur sécurité ou sont réquisitionnées pour accueillir les personnes déplacées. Ce contexte fragilise encore plus les conditions d’éducation des jeunes burkinabés et diminue leurs chances de suivre une scolarité normale. Pour des milliers d’élèves privés d’école, le risque de retomber dans l’analphabétisme est important. Pire encore, le sentiment de marginalisation qu’ils éprouvent peut les conduire à tomber dans les mailles des réseaux extrémistes.

Il est donc urgent de soutenir ceux qui comme les Frères des Écoles chrétiennes ont à cœur de garantir aux enfants et adolescents de ce pays une éducation de qualité, seul rempart contre le fléau extrémiste.

Actifs au Burkina Faso depuis 1948, les Frères des Écoles y animent un large réseau d’établissements scolaires et de centres de formation à travers le pays. Leurs écoles sont reconnues pour la qualité de leur enseignement, leur rigueur et leur discipline mais aussi par le souci de formation spirituelle et sociale qui anime les Frères et que partagent les familles.

Lors d’une précédente collaboration en 2010, nous avions doté en livres le collège de Kongoussi alors en construction, dans la province du Bam. C’est à la demande du Frère Philippe Bai, que Biblionef connaît bien, que ce nouveau projet est né. Convaincu de la nécessité d’inscrire le livre et la lecture au cœur du parcours pédagogique des élèves, il a fait appel à Biblionef afin d’alimenter les bibliothèques de plusieurs établissements du réseau. Selon lui « la soif de lecture est intense dès lors qu’on se donne la peine d’initier un tant soit peu les classes à la littérature et de les ouvrir à la culture générale ».

Le projet 2021

Ainsi, ce nouveau projet cible 2 840 élèves scolarisés dans quatre établissements du réseau des Frères du Burkina, trois écoles et un collège/lycée. L’école de Ouaga Badénya, dans un quartier populaire de Ouagadougou, est la plus importante avec près de 800 élèves cette année. L’école de Ouaga Sandogo est située dans une zone périphérique non encore lotie de la capitale. La bibliothèque se réduit pour l’heure à deux cartons de livres, complétés par une belle panoplie de jeux, la plupart fabriqués à l’école. L’école de Bobo Bolibana à Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays, compte actuellement 600 élèves répartis au sein de 12 classes. Ses effectifs sont appelés à augmenter rapidement car elle est implantée dans un quartier non loti, en développement rapide et très populaire. Le collège de Toussiana est situé au sud-ouest du pays, à 50 km de Bobo Dioulasso. Avec plus de 70 ans d’existence, il est le plus ancien des établissements gérés par les Frères du Burkina. Cet internat « de brousse » accueille 780 élèves venus d’un périmètre géographique très large.

Après s’être rendu à Ouagadougou au début du mois de juin 2021 pour commencer la répartition des livres, le Frère Bai nous a écrit ces mots :

« Chaque carton à ouvrir provoque en moi l’émerveillement de l’enfant découvrant son cadeau à Noël… et cela m’a fait plus de cent Noëls hier ! Chacun des livres de chacun de ces cartons a le pouvoir de provoquer cet émerveillement en chacun des enfants qui les ouvriront et les liront.

À la vue de toutes ces découvertes, je me propose de rédiger une sorte de mode d’emploi pour nos instituteurs, professeurs et bibliothécaires. Et à l’occasion de les réunir et de les rencontrer.

J’ai donc réparti entre nos différentes écoles les livres : gros lot pour les écoles primaires ; mais certains livres semblent plus pour les collégiens ; et des trésors pour notre ambition de développer l’enseignement artistique (bravo au musée de Strasbourg !) … là il faut suivre et conseiller les professeurs, un gros travail si on veut une bonne exploitation de ces très beaux livres (le collège de La Salle de Ouagadougou – où je suis venu faire le tri – a déjà un professeur d’art plastique !) ; les petits classiques, par lots de soixante, i.e. pour l’étude suivie en classe ; enfin un nombre assez important de dictionnaires.

J’ai pu parcourir la plupart des titres. La qualité graphique des albums me frappe : que de choses à faire découvrir aux enfants, de capacités de vie à éveiller en eux ! J’ai relu votre postface aux 100 poèmes avec émotion, car nos écoles accueillent maintenant des “déplacés et réfugiés”.

Comment vous remercier pour votre œuvre et votre grande bienveillance ? Assurément en vous assurant du bonheur de lire pour tant d’enfants et de jeunes… et pas seulement eux : le Frère directeur de l’école de Sandogo, en me saluant durant mon tri, était tout excité, débordant d’enthousiasme et d’impatience ! »

Désormais les livres sont dans les écoles et font le bonheur des enfants.